Régularisation foncière et habitat informel au Brésil

La question des quartiers informels au Brésil se trouve à la croisée des décisions des instances politiques, locales et gouvernementales, et des actions des associations d’habitants et ONGs. Le cas du quartier de Rocinha à Rio de Janeiro nous éclaire sur les enjeux de la régularisation foncière des favelas.



2005
 SINEUS, Merril

Rocinha, Rio de Janeiro.

Le nom mythique de la plus grande favela d’Amérique Latine a maintenant une image. S’étendent devant moi les 15 000 toits de la vallée. Je saisis toutes les composantes du paysage de manière simultanée, sans parvenir à graver un détail plus qu’un autre. La vue contre plongeante est troublante, j’éprouve une grande difficulté à fixer des limites à ce flot de constructions enchevêtrées. Croisement d’angles fragmentés, de lignes électriques et d’antennes, bacs de plastique bleu des réserves d’eau, fers à béton en attente. L’inventivité constructive des comunidades (communautés d’habitants) consolide jour après jour le quartier. Les habitations sont peu à peu transformées, selon les besoins et aspirations de leurs occupants, les cycles de l’évolution familiale... Le cadre grandiose de Rocinha, entre la colline abrupte qui se dresse sur le ciel limpide et l’océan qui s’étend derrière les buildings du front de mer, est le théâtre de formes inédites et parfois extrêmes d’urbanisation. Du fait de l’absence d’infrastructures et de services formels, des modes de vie, de transport et d’échange spécifiques se développent. A Rio de Janeiro comme dans d’autres grandes villes brésiliennes, une observation dans la durée montre une pérennisation de l’installation des quartiers informels depuis les années 70, et une progressive prise de conscience de celui-ci dans les politiques publiques du pays. Le programme gouvernemental Favela Bairro (« de bidonville à quartier ») mis en place en 1995, a amorcé la régularisation des bidonvilles de Rio, à partir d’améliorations physiques, sociales, économiques, organisationnelles et environnementales, incluant une participation notable des communautés et des associations locales. De nombreuses initiatives proviennent des Organisations Non Gouvernementales et des églises (influentes et actives au Brésil). La gestion de l’urbanisation récente de Rio de Janeiro est chargée d’enjeux politiques et financiers : intérêts des planificateurs ou des promoteurs immobiliers s’opposent souvent à ceux des populations en difficulté. Le phénomène des quartiers informels pose des problèmes politiquement déterminants, dont celui de l’inégalité d’accès aux richesses et aux services. Les quartiers protégés comme Copacabana ou Ipanema répondent encore à l’apparente anarchie par le surcontrôle de la rue et la privatisation des espaces publics. Un mécanisme de reconnaissance de l’identité des favelas peut répondre à ces situations de ségrégation sociale. A une réhabilitation physique et légale du quartier informel, s’ajoute en effet celle du statut d’habitat populaire, faisant partie de la trame urbaine, au même titre que la ville produite formellement. Ainsi, l’enjeu de la régularisation de la favela est aussi celui de l’existence citoyenne de ses habitants.

Voir article complet, revue Urbaine n°8, nov-déc. 2005, www.urbaine.fr

La Fondation Bento Rubião

La Fondation Bento Rubião, à travers son pôle Terra & Habitação (droit à la terre et au logement) est chargée à ce jour de la régularisation foncière de Rocinha, ainsi que de projets de logements populaires en mutirão, où les habitants organisés en communauté auto construisent leur maison, avec l’appui technique de l’ONG.
Par le programme Papel Passado du Ministère des Villes brésilien, la Fondation Bento Rubião conduit un projet d’urbanisation et de consolidation de Rocinha, à partir des sous-quartiers de Barcelos et Vila Verde, en lien avec les associations d’habitants concernés.

Architecture & Développement initie un partenariat avec la Fondation Bento Rubião, à partir des particularités du contexte brésilien concernant le champ de l’habitat et de l’urbanisme informel, et en lien avec d’autres partenariats au Sud (Inde, Afrique, Timor).

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