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Bambou, herbe magique ?
2005, par
Extrait de la présentation d’une recherche personnelle menée à Bali (Indonésie) en 2005
Dans le monde, il existe plus de soixante-dix genres de bambous fibreux (famille des Graminées, ordre des Bambousoïdés) et plus de mille espèces...
La plupart d’entre eux poussent en plaines et sur les collines, dans les régions tropicales et subtropicales, particulièrement en Asie-Pacifique (la Chine à elle seule, avec quatre millions d’hectares de bambou, détient un cinquième des réserves mondiales de cette plante).
Le bambou apprécie fortement les atmosphères humides et chaudes, mais il ne craint pas les climats tempérés voire, même les conditions très froides. On trouve des bambous sur les flancs de l’Himalaya ou sur l’île d’Hokkaido, certaines variétés peuvent résister à moins 25°C.
Le bambou est une plante à tout faire qui présente la particularité de se travailler comme le bois et d’engendrer une étonnante richesse de savoir-faire artisanaux. À travers le monde, on tire du bambou une multitude d’outils, d’objets et de meubles, du “tabouret de cireur“ de Shanghai à la pipe à eau de Son La au Vietnam en passant par l’échelle, le berceau et la balançoire mais aussi le khen des Hmongs et la guimbarde des enfants d’Angkor. Son papier est utilisé dans l’imprimerie et, tendu sur une structure légère elle-même en bambou, sert à la confection d’ombrelles, de lanternes, d’éventails, de chapeaux et des célèbres cerfs-volants chula de Sannam Luang à Bangkok.
Débarrassé de ses cloisons intérieures le bambou devient une conduite d’eau qui ne rouille ni ne pourrit. Fendu, il est tressé en paniers, instruments de pêche, nasses et autres casiers jusqu’aux cages géantes du delta du Mékong ; écraser, il est tissé en câbles. Transformé en perles naturelles ou plaquées d’une feuille d’argent, il devient bijou ou constitue la résille d’un manteau d’été. Séchés ou frais ses rhizomes sont consommés comme légume et, au Vietnam, le sel conservé dans une section de sa tige devient “sel de bambou“ et acquiert des vertus médicinales.
Malgré ses multiples métamorphoses et ses nombreux mérites, cette “herbe magique“ tend dans les pays où son usage est quotidien, à être présentée comme le matériau du pauvre et finit par être supplantée par les matières plastiques alors que dans le même temps, sous d’autres latitudes, elle est considérée comme un matériau du futur.
Pourtant son utilisation massive dans des filières industrielles et/ou locales pourrait constituer une véritable alternative à l’utilisation systématique du bois et de ce fait contribuer efficacement à freiner la tendance mondiale à la déforestation et plus particulièrement en milieu tropical/équatorial. Alors qu’il faut près d’un siècle à un chêne pour être exploitable et pour en fabriquer, par exemple, un parquet de qualité, trois ans et demi suffisent au bambou pour donner un matériau au contact soyeux mais aussi dur que l’acier.
Les propriétés mêmes de cette graminée géante lui permettent toutes les transformations et donc de multiples applications. Les fibres qui le composent sont d’une résistance exceptionnelle et sa structure tubulaire autour d’un vide, renforcée par des cloisonnements, fait de lui une poutre caisson fine et légère capable de supporter des pressions considérables.
La fibre de bambou possède une résistance de 40 kilogrammes par millimètre carré, en comparaison, la fibre de bois résiste à 5 kilogrammes par millimètre carré et le fer de construction à 37 kilogrammes par millimètre carré. Une barre d’acier d’un mètre de longueur et d’un centimètre carré de section et qui pèse 785 grammes supporte une charge de quatre tonnes avant de rompre. Un morceau de bois de même longueur et de même poids, ayant une section de treize centimètres carrés, résiste à huit tonnes de pression. Un bambou d’une longueur similaire présente une section de douze centimètres carrés. La différence de taille c’est qu’il ne rompra qu’à partir de douze tonnes de charge.
Pour cette raison -et pour ne pas parler de l’intérêt économique- le bambou est apprécié de la Colombie au Vietnam, en passant par l’Ethiopie, comme matériau de construction pour la réalisation d’habitations, de ponts, de barrages, d’échafaudages.
Parallèlement à ces usages quotidiens du bambou, les recherches ouvertement plastiques et esthétiques d’artistes japonais contemporains combinent à une utilisation “traditionnelle“ du tressage et de l’assemblage, des techniques de tressage, de ligature, de nouage aléatoire ou bien géométriquement très organisé des tiges, fibres, segments de bambou particulièrement intéressantes.
L’évolution actuelle du bambou va vers son usage déstructuré. Ceux qui étaient restés à l’utilisation par Edison en 1882 d’une fibre carbonisée de bambou de Yawata pour tailler le filament de ses ampoules redécouvrent aujourd’hui cette plante qui en s’affranchissant de sa forme usuelle devient un matériau composite exceptionnel. À partir de lamelles rabotées, étuvées, séchées et compressées, on réalise une grande diversité de planches et des contre-plaqués qui peuvent être à leur tour cintrés ou mis en forme à chaud.
Récemment au Japon des bandes de trois kilomètres de papier de bambou fortement torsadées en fils ont permis une fois tissées de réaliser le premier tissu de bambou.
Sans pour autant négliger ces nouvelles utilisations du bambou, le travail d’étude effectué à Bali et au Timor a, avant tout, porté sur le potentiel technique des utilisations traditionnelles du bambou et plus spécifiquement sur l’artisanat de la vannerie, tressage de fibres de bambou.
Ces techniques du fait de l’utilisation de modèles géométriques dans un processus de conception/ réalisation empirique peuvent, transposé et réinterprété à grande échelle, trouver des applications innovantes dans le domaine de l’architecture et du design.
Les possibilités de combiner le bambou à d’autres matériaux (métalliques, plastiques...) ou de le substituer à certains composants notamment dans le processus d’élaboration de bétons légers ont également été abordées.
Ce travail de recherche technique sur le bambou mené à Bali et préparatoire au chantier-école de Timor s’est concrétisé par la production de maquettes prototypes d’éléments constructifs à l’échelle 1/1 ou 1/2 (enveloppes, parois, panneaux, systèmes d’assemblage, éléments structurels...).