Roma / 29 octobre / Manifestation nationale contre les expulsions abusives.



2005
 Karine Seney

10 000 personnes ont manifesté samedi, à Rome, contre les expulsions abusives, la spéculation immobilière et lutter pour le droit au logement. Depuis la Porta Pia, traversant les rues du pouvoir financier, jusqu’à la place du Peuple (Piazza del Popolo), le cortège a défilé, révélant la gravité de l’urgence du logement en Italie.

Aucun manifestant n’avait vécu de si grande lutte pour “la casa” depuis des années, surtout dans cette capitale d’urgence “habitative” où l’on enregistre des taux records d’expulsions, des loyers inabordables et une spéculation immobiliaire qui ne cesse de faire des victimes.

C’est précisément pour ces raisons que tant les anciens, que les étudiants, italiens ou immigrés se sont mobilisés ensembles, accompagnés des mouvements de lutte contre la précarité, pour protester contre les expulsions.

Parmi eux, Action ouvrait le cortège “Stop alle speculazioni edilizie e ai suoi complici”. Suivait immédiatement le “reddito e case per tutti” du Coordinamento cittadino di lotta per la casa accompagné des responsables de Firenze et Palermo ainsi que d’autres associations de locataires et sans-logis, dont Unione Inquilini, qui s’occupe des politiques de logement sur le territoire national.

Mais la “star du cortège des sans-logis” (Manifesto 30 octobre 2005), était Sandro medici, president du X arrondissement de Rome, qui pour faire face à l’urgence du logement dans le quartier Cinecittà, a mis en place la réquisition et l’affectation immédiates (selon l’arrêté conforme à la loi de la région Lazio n.12/98), pour le temps nécessaire, des logements vides et inutilisés, en faveur des familles en situation précaire.

Le problème du logement à Rome a dépassé le stade de l’urgence. Un récent rapport sur le malaise social romain, rendu publique mardi 11octobre, montre que 300 000 personnes vivent sous le seuil de pauvreté, à Rome, avec moins de 800 euros par mois. (voir l’article dans le quotidien L’Unità Roma du mardi 11 octobre 2005). Parmi elles, 6 000 dorment dans les rues de Rome et 3 000 dans les divers centres d’accueil communaux ou associatifs. Ce sont ces personnes qui subissent depuis un mois les conséquences des expulsions massives. Les exemples sont nombreux et les victimes très disparates.

Les anciens à la retraite sont les premiers touchés par le phénomène. Leurs habitations récemment vendues à des entreprises immobilières privées, et directement mises à la vente, ils sont nombreux à avoir reçu des propositions d’acquisition ou des augmentations de loyer exorbitantes. “Avec une pension de 700 euros et un loyer de 500 euros, j’ai déjà du mal à aller de l’avant” raconte une vielle dame venue manifester. “L’immeuble où j’habitais a été vendu à un privé, qui m’a aussitôt envoyé une lettre pour me proposer l’acquisition de l’habitation, où je vis depuis 40 ans, pour la modique somme de 210 000 euros. Mais comment je fais avec une pension de 700 euros ?” poursuit elle. Comme elle ne dispose pas d’un revenu suffisant pour acheter son logement, et qu’aucune banque n’autorise de prêt à cette femme âgée de plus de 70 ans, elle devra quitter les lieux d’ici le mois de décembre.

Mais, cette femme n’était pas la seule hier à témoigner d’une telle tragédie. Etaient présents les étudiants, qui dépensent jusqu’à 500 euros par mois afin de louer un lit dans une chambre commune. Ou bien les familles à revenu moyen, mises en situation précaire, après une augmentation de 150% de leur loyer. Ainsi que les travailleurs immigrés, qui eux, sont expulsés des occupations autogérées et se voient contraints de vivre dans la rue, sous les ponts, le long du fleuve tevere. La spéculation immobilière contribue à appauvrir toutes les couches sociales de la population romaine. Même le Vatican, propriétaire de biens immobiliers “augmente ses loyers et expulse les anciens locataires” rapporte le manifesto.

Alors, les 10 000 personnes ont crié leur mécontentement et réclamé un plan national anti-expulsion. “La question du logement doit entrer dans l’agenda politique national et non seulement local” explique Massimo Pasquini, responsable d’ Unione Inquilini de Roma et la région Lazio et avance une proposition pour répondre à l’urgence à court terme : “Nous voulons demander au Vatican de mettre à disposition des expulsés, les édifices utilisés durant le Jubilé, pour 50 euros par mois. Ceci serait un acte de charité !”. (Interview recueillie sur le site de Unione Inquilini).