Un peu plus de deux mois, du 25 février au 14 mai 2006, pour réaliser mes 8 semaines de stage obligatoire, redécouvrir le terrain, cerner les enjeux qui s’y rapportent, préciser un site sur lequel poser mes réflexions et proposer un projet d’intervention dans le cadre du TPFE. Me voici arrivée au terme de ce premier mois passé à Cayenne. J’ai pu pendant ces quelques semaines prendre de nouveaux repères, dresser un premier portrait du contexte urbain spécifique de la Guyane et de la ville de Cayenne en particulier.
OPAH, OPAH-RU, RHI 1, les outils d’intervention et d’aménagement « nouvellement » mis en place et les financements qu’ils permettent d’obtenir ont comme amené de nouvelles impulsions aux politiques locales qui se lancent dans de nombreux projets d’aménagement, de revitalisation, de restructuration de quartiers, de création de morceaux de ville.
Les centres anciens longtemps laissés pour compte sont devenus, ici comme ailleurs, des territoires d’enjeux. « Centralité », « attractivité », « reconquête » des centres-villes sujets à des phénomènes de paupérisation sont à l’ordre du jour. Les nouvelles politiques locales se concrétisent notamment par la mise en place d’OPAH avec comme objets la réhabilitation du parc immobilier bâti et l’amélioration de l’offre de logements.
A Cayenne, à partir des résultats et analyses des 3 ans d’OPAH menée, nous avons pu constater que la mise en place d’un dispositif d’incitation ouvert aux propriétaires privés a permis la réhabilitation d’une centaine de constructions mais qu’une telle opération n’arriverait cependant pas à endiguer les problèmes graves fortement ancrés dans des poches d’insalubrité du centre ville. Des études préopérationnelles sont en cours afin de mettre en place une OPAH-RU associant aux actions incitatives de réhabilitation de l’habitat des dispositifs volontaristes d’intervention relevant du droit public. Cet outil, associant aux actions de réhabilitation une politique de rénovation urbaine, permet de traiter spécifiquement les territoires urbains confrontés à de graves dysfonctionnements urbains et sociaux nécessitant la mise en place de dispositifs d’intervention lourds.
En périphérie de Cayenne, par exemple, des quartiers et ensembles de quartiers sont depuis de nombreuses années en crise (habitat insalubre, multiplication des squats, phénomènes d’autoconstruction en fond de parcelle, vétusté voire inexistence des réseaux). Ils constituent les lieux d’une occupation sociale stigmatisée par une histoire de développement difficile et rejetée par une grande partie de la population. Leur insertion dans le périmètre de la future OPAH-RU devrait permettre d’intervenir dans des quartiers jusqu’à présent délaissés.
Les « Quartiers Sud », situés en dehors du centre ancien, séparés physiquement du reste de la ville, par le Canal Laussat, accusent aujourd’hui d’énormes problèmes sociaux, multipliant tous les indicateurs représentatifs d’un sous-développement. Ces lieux constituent des zones de transit pour les populations arrivantes et de captivité pour les plus précaires.
Se pose ici comme sur des sites plus en périphérie, la question de la résorption de l’habitat insalubre pour des quartiers d’habitat autoconstruit précaire et de bidonvilles. Sur ces différents sites sont lancées ou projetées des procédures RHI, dispositif opérationnel sous maîtrise d’ouvrage locale, « de coordination des actions de résorption de l’insalubrité à l’échelle d’un quartier dans une optique de protection à l’égard des risques sanitaires, de relogement et d’amélioration de la vie quotidienne des habitants » 2. Ayant pris connaissance avec les textes et les discours officiels, il me reste à voir à présent comment se réalisent concrètement sur le terrain de telles actions, comment sont planifiés et gérés les plans de relogement et le suivi social des habitants concernés. Une particularité guyanaise en complique la mise en œuvre : comment reloger les occupants de logements qui ont construit sur des terrains qui ne leur appartiennent pas, propriétaires des murs (dans le meilleurs des cas), mais pas du sol ? A cette illégalité foncière s’ajoute souvent la situation d’irrégularité d’un grand nombre provenant clandestinement des pays limitrophes, rendant difficilement applicable, dans le cadre d’une action qui plaide pour le développement social, les textes de loi en vigueur. Peut-on par exemple mettre en place une procédure RHI sachant que seuls 20 % des habitants pourront être relogés ? Que faire des 80 % autres ? Délogés, ils iront sans doute s’installer sur d’autres terrains inoccupés, grossir les bidonvilles voisins ou encore squatter de vieilles maisons abandonnées du centre jusqu’à ce qu’ils soient à nouveau chassés par des propriétaires voulant y réinvestir. La crise du logement est telle que les dérives sont nombreuses, et depuis longtemps incontrôlées.